L'esprit de Grace parmi les disques
SAS la princesse Grace de Monaco dans les collections patrimoniales de Nice
Responsable du pôle numérique et des collections patrimoniales sonores
Bibliothèque Municipale à Vocation Régionale de Nice
Depuis l’arrivée à Nice du prestigieux don des collections sonores patrimoniales de Monaco, un travail méticuleux d’investigation a été mené. Parmi les nombreuses perles rares découvertes au cours de ce travail, certains documents ont révélé la présence de SAS la princesse Grace de Monaco. Nous vous proposons de découvrir ces précieux documents notamment sept disques, aussi exceptionnels qu'inédits, provenant des studios de la MGM.
Première interview en français de la princesse pour RMC
Un premier document, déjà publié sur Nicea, est l'enregistrement direct d'une interview donnée par la future Princesse Grace à bord du paquebot SS Consitution, au départ des États-Unis et à destination de Monaco où elle arrivera le 12 avril 1956 sous une pluie d’œillets rouges et blancs, pour son mariage avec SAS le Prince Rainier III. Il s'agit de la première interview de la future princesse au micro de RMC et, qui plus est, en français. Grace Kelly s'adresse ainsi aux monégasques pour la première fois. Le contenu originel a été probablement enregistré sur bande magnétique puis transféré sur disque à gravure directe dans les studios de RMC pour le pérenniser et en faciliter la radiodiffusion.
Ce document, aussi émouvant que précieux, est aussi lié à RMC qu’à la princesse. Il constitue une première empreinte sonore de sa présence dans nos collections.
Disques dédicacés
Parmi les disques 33t. de ces collections monégasques, nous avons découvert de nombreuses dédicaces dont certaines ont été directement adressées à la princesse Grace. L'aura de l'actrice de cinéma a agrégé autour d’elle tout un monde culturel.
Cet album dédicacé par la célèbre basse Russe Alexander Kipnis à Anna Stepanovna – Savelii Abramovitz Sorine, témoigne de l'engagement de la princesse Grace en faveur de personnalités du monde de la culture.
« A Anna Stepanovna – Savelii Abramovitz Sorine, en bon souvenir de la part d’Alexandre Kipnis, Mai 1949, Westport. Conn. »
(Traduit du Russe par Mme Dessislava Cuisinaud que nous remercions.)
Ce magnifique album est l'exemple même d'un fil tendu avec le passé. En suivant ce fil, même ténu, nous pouvons retracer le parcours d'un document et, parfois, celui de son propriétaire. La dédicace inscrite par la très célèbre basse russe Alexander Kipnis, sera ici notre point d'entrée.
Alexander Kipnis (Александр Кипнис) est né le 1er février 1891 à Jytomyr, alors dans l'Empire russe, à présent en Ukraine, et mort le 14 mai 1978 à Westport dans le Connecticut (le document a donc été signé probablement chez lui), aux États-Unis. Sa carrière :
Wiesbaden de 1916 à 1918
Opéra de Berlin de 1919 à 1930
Opéra d'État de Berlin de 1932 à 1935
Metropolitan Opera de New York de 1940 à 1952
On le trouve également régulièrement au Festival de Bayreuth avant son évictions par les nazis. Il obtiendra la nationalité américaine en 1931. Au crépuscule de sa carrière, il enseignera le chant à New York. Alexander Kipnis sera considéré comme une immense star en son temps. Dans cet album, daté de 1945, que nous vous invitons à écouter sur cette page, Kipnis est à l'apogée de son art. Sa voix est d'une souplesse et d'une profondeur exceptionnelle.
Anna Stepanovna Savelii Abramovitz Sorine, dédicataire de cet album fut l'épouse du peintre portraitiste Savelii Abramovitz Sorine (ou Savely Sorine : 1878 - 1953). Il est l'auteur de ce très beau portrait d'Anna.
Émigrée en France, depuis la fin des années 30, Anna est faite citoyenne d'honneur en raison de son rôle au service médical de l'armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale. Plus tard, elle fera de nombreux séjours aux Etats-Unis avec son mari peintre où elle nouera des contacts avec ses compatriotes expatriés. C'est probablement dans ce cadre qu'elle croisera la route d'Alexander Kipnis. Son époux, Savelii Abramovitz Sorine, est le portraitiste attitré des personnalités culturelles et de la haute société. Parmi lesquelles : l'actrice de cinéma Liliane Giche, les chorégraphes Georges Balanchine et Fokine, les ballerines Spesivtseva et Baronova, les peintres Benois, Poliakoff et Lanskoy, le philosophe Chestov, l'écrivain Teffi et les membres de la famille royale britannique, dont un portrait de la princesse Elizabeth - future Reine d'Angleterre :
A partir de 1923, Sorin se rend fréquemment aux États-Unis, travaillant à New York, San Francisco, Los Angeles, Pittsburgh, Chicago, Wilmington etc. Dans ses premières années, il est parrainé par le millionnaire Cohn, qui l'introduit dans les hautes sphères de la société américaine. Des expositions lui sont exclusivement consacrées à Pittsburgh (1924/1925) et à New York (Wildenstein, 1927, 1934, 1948 ; Knoedler, 1942, 1949). Le portrait d'Anna Pavlova (1922) est acheté par le gouvernement français et placé au musée du Luxembourg à Paris.
Après le décès de son mari, en 1953, Anna Stepanovna épousera, en secondes noces, le grand duc georgien Mikhaïl Jotovitch Shervashidze et ajoute ainsi ce deuxième nom au sien. A partir de 1956, elle s'installe à Monte-Carlo sous la protection de SAS La Princesse Grace de Monaco. C'est ici le lien de ce document avec la princesse et ce qui explique aussi sa présence dans les collections monégasques. Anna emportera sa discothèque dans ses malles, parmi laquelle figure cet album. Le tampon ci-contre, apposé à la fin de ce document témoigne de la validation d'une inspection douanière. D'apparence anodine, il constitue un précieux indice permettant de retrouver, dans le Fonds de Monaco, tous les documents sonores ayant appartenu à Anna Stepanovna. En 1973, elle se rendra à Moscou et présentera aux galeries d'art russes vingt peintures célèbres de Sorin, dont un portrait de la célèbre basse russe Fédor Chaliapine. En 1974, Anna fera don au Musée géorgien des beaux-arts des portraits de femmes géorgiennes éminentes (Episo Dadiani et Melita Cholokashvili, etc.). Anna Stepanovna finira ses jours à Monaco.
Les disques inédits de répétition ("Rehearsal") du film High Society
Les sept disques 78t. inédits que nous avons le plaisir de vous offrir à l’écoute ont été enregistrés entre le 17 janvier et le 23 février 1956 par les ingénieurs des studios Culver City de la Metro-Goldwyn-Mayer. Il entrait dans le processus de synchronisation/mixage du film High Society de Charles Walters, sorti aux Etats-Unis en 1956, avec une affiche prestigieuse : Franck Sinatra, Bing Crosby, Louis Armstrong et, bien sûr, Grace Kelly tout juste avant son départ pour Monaco. Sur le même principe que le disque à gravure directe contenant l’interview de Grace proposé au-dessus, ces disques ont été gravés en temps réel à l'aide d'un tour sur une galette métallique vierge recouvert d'acétate noir. Ces captations "de fabrication maison" étaient généralement jetés par MGM après utilisation. De fait, ces disques proposent des enregistrements rarissimes et inédits de répétitions. Nous vous invitons à écouter attentivement (si possible au casque) chacun de ces enregistrements, notamment en début ou en fin de séquence. On y perçoit parfois distinctement les musiciens se préparer, Frank Sinatra se chauffer la voix, Bing Crosby parler après sa prestation etc., rendant ainsi chacune de ces prises vivantes et singulières.
Disque 1 : Calypso : chanté par Louis Amstrong. Selon l'annonce faite par l'ingénieur du son au début de l'enregistrement, il s'agit de la 8ème prise enregistrée le 17 janvier 1956.
Disque 4 et 5 : Your Sensational : chanté par Frank Sinatra en deux versions (revisée et originale). Il s'agit de la 3ème prise enregistré également le 26 janvier 1956. Le pianiste donne la note au chanteur. (Sur la photo, à gauche le realisateur Charles Walters faisant découvrir la partition de ce titre à Franck Sinatra et Grace Kelly).
Disque 6 : Mind if I love you (version révisée) : chanté par l'immense Franck Sinatra. Il s'agit de la 7ème prise enregistrée le 24 janvier 1956. C'est peut-être le disque dans lequel on perçoit le mieux un contexte sonore. Au tout début, Franck Sinatra prépare sa voix, on entend distinctement l'orchestre se préparer également en jouant le début du morceau. Le silence se fait au clap de début (buzz sonore) puis le chanteur donne le tempo en comptant 4 temps et la musique démarre...