0 avis
"Erostrate" de Sartre, ou comment infecter le langage des justes / Jean-François Louette
Article
Dans la nouvelle "Erostrate" ("Le Mur", 1939), Sartre explore plusieurs modalités de l'action-par-un-texte : l'influence, l'explosion, l'infection. Pour souiller la langue des " Justes ", les bien-pensants, les honnêtes gens, il constitue son texte en "objet-piège" ("Saint Genet"). Pièges énonciatifs : irréalisme de la situation d'énonciation, brutalité d'un "paquet" expédié au lecteur. Pièges de l'allusion : mimer les tours de langage dont la psychanalyse de Freud est friande, notamment le lapsus, pour provoquer à la fois, dans le lectorat de "La NRF", les nationalistes, les rationalistes, et les caudataires du surréalisme. Multipliant les jeux de mots piégés, Sartre met en oeuvre un viol imaginaire de la langue commune par l'argot, ou inversement, en une vertigineuse oscillation entre sens propre et sens figuré. Reste la proximité du nom du héros de la nouvelle, qui ne s'avoue pas ses penchants homosexuels, Paul Hilbert, avec celui de François-Paul Alibert, l'un des compagnons de Gide - l'une des cibles privilégiées de Sartre ?
Voir le numéro de la revue «Littérature, 190, 26/06/2018»
Autres articles du numéro «Littérature»