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Léon Daudet : le dernier imprécateur / François Broche
Edité par Robert Laffont. Paris - 1992
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Avis des lecteurs
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Léon Daudet auteur insupportable et magnifique
Voilà une biographie qui en a dérouté plus d'un. Sérieuse au point d'être parfois un peu indigeste, elle retrace la vie d'un auteur oublié qui a suscité autant de haines que de soutiens passionnés. Léon Daudet est un méchant bonhomme, mais il me fascine. Tout en outrances polémiques dans sa direction de L'Action française, antisémite à certaines heures, enfoncé dans des certitudes incroyables (il resta par exemple toujours persuadé de la culpabilité de Dreyfus), laudateur de Mussolini, il représente l'essentiel de ce que j'exècre. Et pourtant, et pourtant … je suis porté à une certaine indulgence car tout en lui est paradoxe. Cet antisémite de salon a été un soutien majeur de Marcel Proust dont la mère était juive, pour l'obtention du prix Goncourt en 1919 pour A l'ombre des jeunes filles en fleurs. Et une amitié chaleureuse l'a lié également à un autre juif, Marcel Schwob qu'il avait connu en classe de philosophie et qu'il considérait comme un grand poète. Ce fasciste avoué a aussi dénoncé très violemment Hitler. L'hostilité de Léon à l'hitlérisme est totale. Et il a remarquablement joué les Cassandre en prévoyant que « la guerre prochaine sera exactement le contraire de celle de 1914, une guerre de pénétration et non plus une guerre de tranchées » rendue impraticable par le perfectionnement des tanks et de l'aviation. Incroyable détecteur de talents, il flairait le génie en herbe, reconnaissant en Picasso un grand peintre avant tout le monde, soutenant Céline pour qu'il obtienne le prix Goncourt en 1932 en lui apportant sa voix lors du vote de cette Académie (qui préféra couronner le fadasse Guy Mazeline ), contribuant grandement à faire connaitre Georges Bernanos. Léon Daudet, critique littéraire, c'est un peu Beigbeder en plus baroque, en plus teigneux, en plus méchant. Capable de parler de tout avec une verve explosive, charriant les idées originales, les images colorées et poétiques, les formules cocasses, il a aussi ses faiblesses : certains de ses papiers se répètent ; d'autres sont un peu bâclés. Il faut dire que c'est un auteur infatigable dont la production littéraire ou politique compte plus de cent-vingt ouvrages. Ce grand et fort personnage suscite aussi une certaine empathie en raison du drame affreux qui l'a frappé et dont il n'a jamais reconnu qu'il en était au moins en partie responsable : la mort de son fils Philippe à quatorze ans qui s'est suicidé au terme d'une fugue dont personne n'a jamais retrouvé les causes profondes. Toute sa vie, Léon Daudet reste persuadé que Philippe a été assassiné dans le cadre d'un complot destiné à l'atteindre en tant que directeur de l'Action française. Léon Daudet mériterait probablement qu'un nouveau Stephan Zweig s'empare de sa vie tumultueuse pour nous la rendre plus accessible que cet ouvrage bien documenté mais malgré tout austère
Yvon - Le 30 juin 2024 à 14:15