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La Poste au douar : Usagers non citoyens et Etat colonial dans les campagnes algériennes de la fin du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale / Annick Lacroix
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Pendant toute la période coloniale, les usagers algériens sont largement absents des archives de l'administration des PTT (postes, télégraphes et téléphones). Si la conquête française ne marque pas l' entrée en communication des populations colonisées, dont les pratiques scripturaires sont anciennes, faut-il voir dans cette absence le refus motivé d'un progrès colonisateur ? L'entre-deux-guerres marque de ce point de vue un tournant : la pression des élus locaux et l'affluence des pétitions de villageois non citoyens reconfigurent un service public jusque-là accaparé par les usagers européens. Tardivement et toujours à moindres frais, l'administration favorise alors la desserte postale de régions enclavées. Observant la situation coloniale dans ses manifestations les plus locales et les plus quotidiennes, l'article éclaire la question des écrits ordinaires et restitue l'épaisseur des usages d'un service de proximité. A condition de ne pas limiter l'étude à la présence française en Algérie et de pousser la documentation coloniale à révéler les rouages de la société algérienne et les réorganisations suscitées par la rencontre coloniale. Plaintes et pétitions disent ainsi quelque chose du rapport de populations non citoyennes, rurales et majoritairement illettrées à l'Etat colonial. L'utilisation inattendue de la poste et sa revendication subversive conduisent les colonisés à bricoler une identité politique qui emprunte certaines des pratiques des citoyens actifs et pousse les autorités françaises à proposer des ajustements inédits.
Voir le numéro de la revue «Annales, 71-3, 01/07/2016»
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