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Maîtres et serviteurs
Maîtres et serviteurs de Pierre Michon Pierre Michon nous raconte Goya, Francisco, pas tant à travers la biographie officielle, juste un peu, mais en regardant pourquoi lui a réussi, eu du succès, par quelle alchimie, lui et pas un autre, lui un petit joufflu un peu gros qui aidait son père à la dorure et auquel on avait concédé un bout d’atelier, tout au fond et qui s’échinait sur des toiles que souvent il mettait en charpie. Et pour nous parler de Goya il nous prend à témoin, pas nous en fait mais les mères, les grands mères et surtout vous, Madame. Procède astucieux qui crée une proximité avec laquelle il nous parle des détails de son enfance, garçon banal qui aimait, «les jours chômés, en compagnie de petits casseurs de son âge agacer quelque taurillon et parfois un taureau dans un semblant d’arène avec un semblant de muleta ». C’est sa mère qui racontait. Et son mariage avec Joséfa, « née Bayeu », sœur de Francisco, peintre du roi, favori de Mengs. Trois frères peintres. Il était heureux, « s’apprêtait à faire carrière et pour cela il était un peu charlatan, un brin de talent et un brin d’imposture ». C’est le curé de Nogent qui nous en parle, quand il le connut «il avait depuis longtemps renoncé, et donc, il peignait ». C’est lui qui l’avait abordé, »avant la mort du Grand Roi ». Il portait la perruque et avait l’air d’un spectre et lui demanda la permission de le peindre. Il parlait peu en peignant, ce coloriste, qui se plaignait souvent. « Ne pas avoir toutes les femmes lui avait paru un intolérable scandale ». Il alla dans le Hainaut, puis Paris, «car les jupes sont plus craquante, les princes mieux disants ». Il revint fin du printemps 1721, avec une vilaine toux de phtisique, c’est l’abbé Haranger qui le ramena, il n’avait pas quarante ans il en paraissait soixante, Jean-Antoine Watteau. C’est le grand Vasari qui raconte cette histoire dans les Vies car il ne fit pas que peindre, et pourquoi ne pas le croire. Lorentino d’Arezzo, peintre sans clients, élève de Piero aussi pauvre que lui et cette année là, à la fin extrême du Quattrocento, au mois de février, ses enfants lui demandèrent de tuer le cochon comme c’était la tradition en Toscane à l’époque, mais évidemment il n’avait pas de cochon et se désespérait. C’est alors que dans le soirée un homme, un paysan débraillé et harassé, frappa à son huis, il portait un petit cochon de dix livres dans ses bras et lui demanda s’il pourrait lui peindre un portrait de Saint Martin, tous les peintres lui avaient ri au nez, en échange de ce porcelet, il n’en avait pas de plus gros. « La Providence, pensa t-il, ne peut à ce point se jouer d’un homme ». Pierre Michon reprend ses questionnements qu’il aime tant, que ce soit peintres ou écrivains, artistes en général, qu’est ce qu’un artiste, une œuvre un chef d’œuvre, par quel chemin alambiqué à arriver le Saint Martin de Lorentino dans une obscure chapelle qu’un jour Vasari visitera sans savoir qui l’a peint. Et le talent? Magnifique Michon.
M. LAVEZE Gérard - Le 18 juin 2025 à 06:25