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La presqu’île
La presqu’île de Julien Gracq Trois nouvelles, une très courte, La Route, une qui s’apparente à un court roman, La Presqu’île et une étrange nouvelle Le Roi Cophetua La route. Elle est bien étrange cette route que parcourent des personnes dont on ne sait rien, une route envahie de végétaux divers qui semblent grignoter plus ou moins selon les endroits, une route qui du fait de cet envahissement pourrait donner l’impression qu’elle change de direction. Est on dans un rêve, un souvenir, qui sont ces femmes qui offrent leur bouche à certains? Il se dégage de cet envahissement, un texte poétique une atmosphère de fin du monde ou au moins de fin de civilisation. C’est très beau et rappelle un peu l’ambiance du Rivage des Syrthes. La presqu’île. Simon était venu la chercher à la gare dans la matinée, bien qu’elle lui ait clairement laissé comprendre qu’il serait «très peu probable »qu’elle arrive par le train de 12.53. Il ne fut donc pas surpris bien qu’en lui un sentiment se fit jour, elle était en retard et donc il avait toute la journée devant lui, qu’allait donc faire pour utiliser ce temps. Mettre des fleurs dans la chambre qu’il avait réservé puis il se dit qu’il avait largement le temps de faire la route de la presqu’île, passer par les marais, retrouver son enfance. D’ailleurs il se demandait pourquoi il avait choisi cet endroit pour leurs retrouvailles. Il se mit au volant, la carte routière sur le siège passager et suivit au gré de son inspiration tout en ayant en permanence un compte à rebours dans la tête avec le train du soir dans lequel serait, bien sûr, Irmgard. Comme souvent chez Gracq c’est dans l’attente qu’il faut chercher la beauté, la subtilité, les questionnements, ici c’est l’attente de l’être aimé, attente de promesses mais aussi d’inquiétudes. On se perd dans les paysages, les descriptions du bocage, des vieilles maisons abandonnées, on retrouve la route de la première nouvelle mais celle ci est bien ancrée dans la réalité, ce n’est pas une route dont les contours sont rognés. Le roi Cophetua. Il avait été blessé hiver 1914, réformé et repris son travail de journaliste parlementaire. À la Toussaint, il avait pris le train pour Braye la Forêt à la Gare du Nord tout en pensant à la Russie où la situation semblait s’aggraver. Il songeait qu’il allait revoir Jacques Nueil, connu »au marbre d’un quotidien ». Une amitié «un peu distraite, mollement nouée », mais chacune de ses lettres lui faisait une «petite bouffée chaude au visage ». Personne ne l’attendait en gare, il rejoignit La Fougeraie à pied, une servante lui signifia son absence mais qu’il serait présent dans l’après midi mais il n’arrivait point, le servante alluma flambeaux et bougies, la nuit s’installa, étrange lui seul avec cette femme. Elle lui proposa de lui servir un dîner, il n’y avait plus de train pour Paris à cette heure. Quelques phrases «c’était une route fossile: la volonté qui avait sabré de cette estafilade les solitudes pour y faire affluer le sang et la sève était depuis longtemps morte » «tout en roulant pelotonné dans cette attente vague, il était devenu attentif aux noms qu’il lisait aux carrefours » «en 1917, comme le geste auguste du semeur et comme les charrois vineux de la vendange, simplement, bon an, mal an, la guerre continuait, touillant vaillamment la terre à grandes pelletées, sans s’embarrasser de justifications inutiles » Lire Gracq, c’est entrer en littérature.
M. LAVEZE Gérard - Le 09 avril 2025 à 08:04