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Enfance de la bande dessinée. L'art des images et des âges / Tristan Garcia
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Les débuts de la bande dessinée dans la vie ont été modestes : il s'agissait d'une forme de représentation divertissante éditée sur un support périssable, vite lue, vite oubliée, rejetée dans les marges de l'actualité quotidienne et confinée dans un espace réduit : des bandes (les "strips") et une page du dimanche (la "sunday page"). Mais dès sa naissance, que l'on situe par convention en 1895, lors de l'apparition du personnage du Yellow Kid dessiné par Outcault, la bande dessinée a été la visualisation d'une grande idée. Il ne s'agissait ni d'inventer un langage d'images ni d'illustrer un texte avec des images, comme on le faisait depuis longtemps en Occident et en Orient, des vies de saints aux polyptyques flamands, des manuscrits enluminés de Tabriz, Heraât ou Shirâz aux Rouleaux des animaux, des livres d'heures aux vitraux, des gravures de l'Apocalypse par DLurer aux images d'Epinal, de l'"ukiyo-e" aux saynètes de Wilhelm Busch. Il s'agissait de libérer les images du texte pour jouer avec leurs différences. Il s'agissait de partir de la différence entre au moins deux images pour enjoindre à l'oeil et à l'esprit d'y repérer des identités et des opérations de transformation sur ces identités, dont le gag n'était jamais que la manifestation comique.
Voir le numéro de la revue «Le Débat, 195, 01/05/2017»
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