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Néo-chamanisme et néo-colonialisme : entre chaos et déstructuration sociale / Sylvie Taussig
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Les relations entre " l'Occident " et le Nouveau Monde sont placés ordinairement sous le signe de la conquête et donc de la guerre : utilisation de la force armée pour réduire les pouvoirs existants, soumission des autochtones, imposition du catholicisme, etc. C'est naturellement ainsi que l'histoire les représente avec la destruction des cultures locales, et je ne propose pas ici une vision révisionniste qui louerait les vertus de la colonisation. Cette représentation est exacte à la condition de parler non seulement de la façon dont les indigènes ont résisté, militairement et culturellement, mais aussi d'évoquer le fait que l'indépendance a parfois apporté aux populations les moins occidentalisées une condition pire que celle qui était la leur sous la férule espagnole : c'est le cas du Pérou sur lequel je me fonde. Par ailleurs, le colonialisme est souvent abordé avec son corollaire obligé, à savoir le néo-colonialisme, si bien que l'anachronisme est clairement la règle s'agissant d'un thème politisé, voire idéologisé (là encore je ne veux pas dire qu'il n'existe pas une exploitation des pays dits " du Sud " par les pays dits développés). Mais, alors qu'on parle massivement de la façon dont les compagnies internationales pillent les ressources naturelles sans contrepartie, ou imposent leurs produits quitte à anéantir les traditions locales, ou encore s'arrangent pour maintenir au pouvoir tel dictateur qui sert leurs intérêts ou bien éliminent celui qui ne leur sert plus en le dépeignant sous le modèle d'une conquête par un soft power, il est une sorte de présence étrangère dont on parle peu en terme de conquête : le tourisme. Celui-ci semble apporter de l'argent aux pays visités et donc aider à leur développement et à leur enrichissement, et non prélever leurs richesses ou les exploiter ; l'on s'élève tout au plus contre certains de ses abus réellement prédateurs, à savoir le tourisme sexuel.
Voir le numéro de la revue «Les Temps modernes, 698, 01/04/2018»
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