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Querelle des universels. Souleymane Bachir Diagne et Jean-Loup Amselle / Jean Khalfa
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Comme le titre de ce dialogue l'indique, il s'agit bien géographiquement de discuter d'Afrique(s), c'est-à- dire de ce pluriel hypothétique sur lequel les auteurs ne tombent jamais d'accord : l'Afrique est-elle une mosaïque géo-sociologique qui n'a fait unité que sous le regard des colonisateurs (position de Jean-L oup Amselle, anthropologue africaniste), ou bien, et malgré cette histoire désastreuse, n'est-ce pas une entité culturelle à unifier politiquement car elle repose malgré tout sur une identité et sur des contenus au moins désirés, idées régulatrices, bref parce qu'elle est projet, et projet important (position de Souleymane Bachir Diagne, philosophe de la logique formelle ainsi qu'historien de la philosophie dans et en rapport à l'islam) ? La première position reflète philosophiquement un immanentisme et un pragmatisme qui ont pour corrélat (ou visée) politique le refus du pli ou repli identitaire contemporain et de la fragmentation sociale qui en résulte. Les identités sociales, culturelles ou linguistiques, ne sont jamais que construites, qu'on les impose ou que l'on s'en pare, alors que la division socio-économique et l'opposition de classes, elles, sont un donné et un donné universel que la fragmentation identitaire ne sert aujourd'hui qu'à masquer. La seconde position, celle de Diagne, n'est pas exactement l'inverse de la première, mais s'en démarque clairement, et c'est dans ce porte-à- faux que réside l'intérêt du livre.
Voir le numéro de la revue «Les Temps modernes, 700, 01/10/2018»
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