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La -Grande- guerre sanitaire / Alexandre Lafon
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"Nous sommes en guerre", déclarait à six reprises le 16 mars 2020 le Président Emmanuel Macron dans son allocution télévisée. En guerre sanitaire certes, mais en guerre tout de même, de celle qui rappelle la Grande, la préférée de Georges Brassens. Cette rhétorique guerrière assumée sera ensuite reprise dans les différentes interventions solennelles du chef de l'Etat, en particulier celle du 13 avril où la géographie des héros, de première et de seconde ligne, renvoie à la géographie des tranchées. Cet usage qui a pu faire polémique, interroge sur le choix de l'exécutif de penser la crise dans le champ discursif de la guerre. Certes, la guerre sanitaire n'est pas la Grande Guerre qui fit en moyenne 900 morts par jour durant plus de quatre années, en grande majorité des hommes entre 20 et 48 ans. Mais force est de constater les emprunts systématiques au vocabulaire de 14-18. Il faut voir sans doute derrière cette rhétorique l'ombre portée de Joseph Zimet, l'ancien directeur général de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale, aujourd'hui proche conseiller en communication du Président. Mais pas seulement. Elle soutient l'idée d'une mobilisation générale face au COVID-19 dans une période difficile de confinement. Elle témoigne également de la place encore vive de l'imaginaire de la Grande Guerre dans nos mémoires et des limites de son usage contemporain, dans une période sans doute bien éloignée de l'imaginaire guerrier qu'elle convoque.
Voir le numéro de la revue «Historiens et géographes, 450, 01/05/2020»
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